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AVATARS SUR LE VOL AIR AFRIQUE 013 BANGUI/DAKAR – MAI 1993

27 mars 2019 Posté par les Alumni
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Le vol aller Dakar/Bangui s’était à peu près bien passé avec les aléas habituels de ces vols trans-Afrique faits de « sauts de puces », de nombreuses escales et d’heures d’attente au sol dont j’avais pris mon parti.

Dakar-Bangui ce sont 6 escales, Dakar/Conakry, Conakry/Abidjan, Abidjan/Lomé, Lomé/Kano, Kano/Douala, Douala/Libreville, Libreville/Bangui, donc 13 heures de voyage quand tout se passe  de bien, 18 à 20 heures la plupart du temps. Je ne me souviens pas exactement du numéro de ce vol aller Dakar-Bangui, RK 010 ou RK 012 peut-être, numéro pair en tout cas, mais je ne peux pas oublier le numéro prédestiné du vol retour Bangui-Dakar, le vol RK 013 dont la durée a battu tous mes records de temps de voyage, 55 heures ! Je vais vous raconter cette aventure rocambolesque vécue par les 100 voyageurs de ce vol et moi-même en mai 1993 en Airbus A 300.

PREMIER EPISODE : LES SERVIETTES EPONGE

Ma mission qui avait pour objectif l’installation d’un centre de télécommunications sur l’aéroport de Bangui-M’POKO touchait à sa fin. La veille de mon retour sur Dakar, un Dimanche, je suis invité grâce à la recommandation d’une dame banguissoise agente météorologique de la tour de contrôle de l’aéroport, à déjeuner chez le Premier Ministre du Gouvernement Centrafricain. Ce fut pour moi un grand honneur d’être reçu chez le Premier Ministre. Je passais un excellent moment, j’ai vécu une hospitalité inoubliable et une expérience unique que j’allais rapporter fièrement à Dakar et ensuite à Paris : j’ai mangé de la trompe d’éléphant, en daube, avec Monsieur le Premier Ministre de la république Centrafricaine ! Rien de plus normal le lendemain que d’accepter avec courtoisie de convoyer dans mes bagages en soute de l’avion, un carton de viande boucanée (du gibier je crois) de la part de cette dame pour sa compatriote Julienne, secrétaire de notre Directeur à Dakar. Départ de Bangui le lundi matin à 09 :00 heures, arrivée prévue à Dakar 22 :00 heures, j’étais donc censé remettre le carton de viande à Julienne le soir même de ce fameux lundi !

Lundi matin, décollage comme prévu à 09 :00 pour Dakar avec une première escale à Libreville que nous atteignons sans encombre après environ 01 :30 heure de vol. L’attente en salle de transit durait un peu trop longtemps à mon avis et après m’être renseigné, un représentant de la compagnie Air Afrique me fit savoir qu’il y avait un problème crucial de correspondance pour Douala (je ne savais pas qu’il fallait changer d’avion à Libreville) et que vraisemblablement nous serions obligés de passer la nuit à Libreville ! C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés en milieu d’après-midi dans un luxueux hôtel de Libreville, pris en charge par la compagnie avec une convocation impérative pour le lendemain matin en salle du petit déjeuner à 06 :00 heures précises en vue d’un embarquement pour Dakar à 09 :30 heures. Il faut vous préciser pour une meilleure compréhension de la suite de mon récit, que sur cette ligne aérienne appelée « la Côtière » les voyageurs sont en majorité des commerçants, aussi bien des femmes et des hommes, et donc peu habitués au confort moderne d’une chambre climatisée d’un hôtel de grand luxe. Je passais d’ailleurs toute la fin de mon après-midi à montrer aux uns et aux autres le fonctionnement de la « clim », de la salle d’eau, des volets électriques, du téléphone… etc, etc. Au petit matin du mardi, après une nuit réparatrice au cours de laquelle je pensais fortement au sort qui serait réservé à mon carton de viande boucanée, tout le monde se retrouve donc en salle à manger pour le petit-déjeuner. Au bout d’un bon moment, j’entends le réceptionniste appeler plusieurs voyageurs et, tour à tour, monter avec chacun d’entre eux dans les chambres. Je n’y prêtais guère attention jusqu’à la convocation d’une dame sénégalaise, très élégante, portant de magnifiques bijoux en or, notable de Dakar vraisemblablement, qui à la réception s’est mise en colère effrayante. Après enquête de ma part auprès des voyageurs qui regagnaient un à un leur place respective, j’ai eu l’explication de ce tumulte : la plupart d’entre eux n’avaient pas pu céder à la tentation d’embarquer dans leur bagages les magnifiques serviettes de toilette, éponge, toutes neuves, bien épaisses, d’un magnifique vert, décorées d’une élégante broderie rouge ! L’hôtel avait donc fait l’inspection des chambres et demandait à chaque « client indélicat » de restituer l’objet du larcin. Je dois dire que j’avais été moi-même très tenté de prendre une de ces serviettes en souvenir, tellement elles étaient confortables et belles. Quant à l’élégante dame sénégalaise qui se défendait d’avoir dérobé quoique ce soit dans la chambre, elle a dû également monter avec le réceptionniste qui finalement a retrouvé non pas la mais les serviettes manquantes… au fond du lit de Madame. En effet, n’ayant pas su régler sa climatisation, la dame avait eu si froid que, avant de se mettre au lit, elle s’était enveloppée les pieds et les jambes dans les bonnes serviettes bien épaisses et bien chaudes !!

DEUXIEME EPISODE : LA COTISATION POUR LE TELEPHONE

Nous sommes donc mardi, il est 10 :00 heures et nous décollons pour Dakar. Nous faisons escale à Douala, puis à Kano, Lomé et Abidjan. Jusque-là tout se passait bien mais à Abidjan une étrange répétition de ce qui s’était passé à Libreville se produisit à notre grand découragement. Problème technique de l’avion cette fois-ci, impossibilité de réparation immédiate, nouvelle prise ne charge par la compagnie Air Afrique pour nous héberger vers 17 heures dans un hôtel de luxe sur le « plateau » à Abidjan, et convocation le lendemain matin au petit-déjeuner à 08 :00 heures du matin pour un enregistrement à destination de Dakar prévu à 10 :00 heures ! On commence à être rodés et les voyageurs blasés s’accommodent cette fois-ci très bien (trop bien même, on le verra un peu plus loin dans mon récit) du confort moderne de leur chambre. La nuit se passe très bien, le petit-déjeuner également, à noter seulement que la réception recommande de déposer les clés au comptoir d’accueil avant de partir et de régler nos « extras ». Nous nous retrouvons tous à l’aéroport d’Abidjan ce mercredi matin, cela fait 48 heures que nous avons quittés Bangui et je m’interroge de plus en plus sur l’état de ma viande boucanée ! Nous attendons impatiemment l’embarquement pour Dakar prévu à 10 :00 heures, qui arrive enfin avec un peu de retard. Nous voici installés confortablement dans l’avion quand nous voyons arriver dans l’allée centrale un de nos compagnons de voyage, un monsieur sénégalais que nous reconnaissons bien, encadrés de deux policiers ! Surprise pour tout le monde quand on nous demande le silence pour que nous écoutions attentivement les explications de notre ami sénégalais : « Mesdames, Messieurs, je demande votre aide car je suis actuellement dans une situation très mauvaise et la Police veut me retenir ici à Abidjan si je ne réussis pas à rassembler l’argent de ma facture téléphonique de cette nuit pour payer l’hôtel. Je demande COTISATION car je suis attendu à Dakar, mes femmes, mes enfants ont besoin de moi, je croyais qu’on pouvait téléphoner gratuitement depuis l’hôtel et j’ai appelé longuement ma famille et mes amis. Je m’excuse, je vous rembourserai à Dakar, s’il vous plaît aidez-moi, merci, merci ». Eh bien, je peux vous dire que la cotisation a été faite dans l’avion auprès de chaque voyageur et la somme de 90 000 FCFA a été rassemblée pour permettre à notre ami d’être libéré et à nous de décoller ! Je me souviens avoir donné un billet de 5 000 FCFA ce qui est bien peu vis-à-vis de l’histoire unique, originale et savoureuse que j’ai vécue. Surtout qu’ensuite, j’ai eu le témoignage de notre ami : il avait quitté l’hôtel sans encombre avec la précaution de ne pas se présenter à la réception pour rendre la clé de sa chambre et il s’était fait « cueillir » par la police de l’aéroport après que l’hôtel eût porté plainte.

TROISEME ET DENIER EPISODE : DAKAR OU LA VIANDE BOUCANEE ET JULIENNE

Nous avons enfin décollé d’Abidjan avec les applaudissements des passagers et, après l’escale, heureusement sans incident, de Conakry, nous atteignons enfin Dakar. Il est 15 :00 heures, applaudissements, cris de joie, notre périple a environ duré 55 heures et le car de l’aéroport nous achemine vers l’aérogare et le tapis de récupération de nos bagages… J’angoisse en pensant à la viande boucanée tout en espérant secrètement qu’Air Afrique aura éliminé ce bagage sans doute très mal odorant. Il n’en est rien car je vois arriver « mon » carton de viande, tremblotant sur le tapis roulant, poursuivi par un nuage de mouche et provoquant le recul des voyageurs qui attendait l’arrivée de leurs bagages près du tapis. Je ne sais plus où me mettre. Le chauffeur de la société, El Hadj Sidi Doukouré, est venu à ma rencontre et je le mets au courant du problème. Nous décidons que, dans un premier temps, il ne prendra que la viande nauséabonde sur un chariot à bagages, pour aller la jeter le plus rapidement possible à la décharge voisine pendant que je l’attendrai ici. Mais brusquement une idée diabolique germe dans mon cerveau et je retiens Doukouré : « Douk, lui dis-je, au lieu d’aller à la décharge qui serait la solution de facilité alors que je viens de subir un harassant périple pour convoyer cette viande, tu iras au secrétariat du Directeur et tu déposeras le carton au beau milieu du bureau de Julienne de ma part. » Ce qui fut dit, fut fait et j’attendais à l’aérogare mon chauffeur que je vis arriver quelques temps après, décomposé, à la limite du malaise mais débarrassé de cet encombrement. Eh bien Julienne a été ravie, pas incommodée du tout comme le fut son Directeur qui, effrayé par les volutes de senteur venues le perturber dans son travail, avait fait irruption dans le secrétariat ! Monsieur Doukouré a mis 3 jours à désinfecter sa voiture. Quant à Julienne, à qui j’ai demandé si elle n’avait pas été trop déçue de devoir renoncer à son met favori, elle m’a dit qu’il n’en était rien et qu’elle avait trouvé dans cette viande boucanée des morceaux tout à fait consommables et qu’elle s’était régalée !

Par François GARET




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1 Commentaire

François GARET (IENAC 1965 - L)
Il y a 5 ans
Remerciements à l'équipe alumni pour l'aide qui m'a été apportée dans l'élaboration de ce texte.
François GARET.

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